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Compromis ou promesse unilatérale de vente : une différence de poids

Avant la signature d'un acte de vente définitif d'un bien immobilier d'entreprise, des délais sont évidemment nécessaires, notamment pour permettre au futur acquéreur l'obtention de son financement ou d'un permis de construire, ou de finaliser l'étude du bien (métrage, diagnostic pollution...). Dans l'attente, les deux parties vont généralement s'engager via un compromis ou une promesse de vente lorsqu'elles se sont mis d'accord sur la chose et sur le prix.
On distingue alors deux avant-contrats : la promesse de vente (appelée également promesse unilatérale de vente) et le compromis de vente (que l'on peut nommer également promesse synallagmatique de vente).
Bien que ces deux termes soient souvent utilisés de manière interchangeable, ils désignent en réalité des contrats distincts avec des implications légales différentes. Dans cet article, nous explorerons les différences essentielles entre ces deux types de contrats et les conséquences qu'ils entraînent pour les parties impliquées.
AFL CONSEIL vous aide à comprendre les enjeux d'un tel choix.
1. Promesse ou compromis de vente : quelle différence pour un achat immobilier ?
a. Qu'est-ce qu'une promesse de vente ?
Sa définition et son régime ont été incorporés au code civil en 2016 à l'article 1124 :
"La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis.
Le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul."
Le bénéficiaire d'une promesse unilatérale est donc investi d’un droit d’option : acquérir le bien ou ne pas l'acquérir. Il reste libre de son choix.
Le promettant (futur vendeur) est quant à lui définitivement engagé. Il ne peut pas en principe conclure une autre promesse de vente avec un tiers. Mais attention, si le tiers est de bonne foi (s'il ignore qu'une promesse a déjà été signée), la vente conclue avec lui pourra l'emporter sur la promesse de vente conclue antérieurement, notamment si la vente est publiée au fichier immobilier en premier. En effet, l'article Article 1198 du Code civil dispose : "Lorsque deux acquéreurs successifs de droits portant sur un même immeuble tiennent leur droit d'une même personne, celui qui a, le premier, publié son titre d'acquisition passé en la forme authentique au fichier immobilier est préféré, même si son droit est postérieur, à condition qu'il soit de bonne foi."
La levée d'option par le bénéficiaire, dans le délai, transforme la promesse unilatérale en vente parfaite : le plus souvent, la levée d'option est concomitante à la signature de l'acte authentique de vente.
L'engagement du promettant est caduc une fois expiré le délai fixé dans la promesse de vente. Le bénéficiaire devra alors verser au promettant une indemnité d'immobilisation si l'ensemble des conditions suspensives sont réalisées et si l'indemnité est mentionnée dans l'acte. Il est reconnue par la doctrine et la jurisprudence que cette indemnité ne doit pas être supérieur à 10% du prix de vente au risque de requalifier la promesse en compromis.
Cette indemnité constitue "le prix de l'exclusivité consentie au bénéficiaire". En principe, sauf accord des parties, elle ne peut être réduite par le juge au prorata du temps d'immobilisation du bien. Toutefois, cela ayant été parfois admis en jurisprudence, il peut être utile de préciser clairement que l'indemnité ne pourra être réduite.
D'un point de vue stratégique, la promesse unilatérale de vente offre une sécurité à l'acquéreur (bénéficiaire), qui n'est pas encore fermement engagé tant qu'il n'a pas levé l'option. Il pourra ne pas acquérir pour des motifs qui n'auraient pas pu être stipulés en condition suspensive (changement de conjoncture économique, changement de la stratégie de l'acquéreur, mauvaise appréciation de la rentabilité du bien ou de sa qualité, hausse des matériaux...).
Cette promesse apporte également une garantie d'indemnisation au vendeur. Elle peut donc séduire les deux parties par sa souplesse.
Cette forme de promesse se pratique ainsi dans l'ensemble des études notariales de la région parisienne (tous secteurs confondus) et dans le secteur de l'immobilier d'entreprise dans l'ensemble du territoire.
En effet, les promoteurs et les investisseurs souhaitent toujours disposer d'une "porte de sortie" dans l'hypothèse d'un évènement économique majeure (lors de la crise immobilière de 2008, de nombreux professionnels de l'immobilier ont pu ainsi se désengager de nombreuses opérations immobilières en cours).
Concernant les notaires, ils préfèrent également cette forme d'avant-contrat pour la facilité avec laquelle le contrat se dénoue lorsque l'acquéreur ne souhaite plus conclure la vente.
Mais lorsque le vendeur est une personne publique (commune, Etat, établissement public...) elle va le plus souvent exiger la signature d'un compromis de vente car elle souhaite être sûr de vendre le bien et souhaite avoir un engagement définitif de l'acquéreur.
b. Qu'est-ce qu'un compromis de vente ?
Par opposition à une promesse de vente, un compromis est considéré comme un contrat « synallagmatique », c'est-à-dire qu’il engage les deux parties. la promesse synallagmatique s'apparente à une vente sous condition suspensive. Une fois l'ensemble des conditions suspensives réalisées, la vente est parfaite entre les parties.
Leur engagement ne peut en principe pas être frappé de caducité une fois le délai de la promesse expiré au contraire de la promesse unilatérale. Le plus généralement, le transfert de propriété et le paiement du prix sont conventionnellement reportés à la date de signature de l'acte authentique de vente.
Le compromis offre une sécurité au vendeur, l'acquéreur étant engagé dès la signature de la promesse. C'est un contrat couramment pratiqué en province dans le secteur résidentiel.
La signature d'un compromis de vente ne nécessite pas de versement d’indemnité mais engage à la fois le vendeur et l’acheteur à mener la transaction à son terme. Le plus souvent, il est prévu une clause pénale équivalente à l'indemnité d'immobilisation. Cette clause pénale prévoit le versement d'une somme d'argent en cas d'inexécution d'une obligation par l'une des parties.
Le vendeur a néanmoins le choix de demander l'exécution forcée de la vente en justice et de demander en sus le paiement de la clause pénale. Le compromis prévoit le plus souvent que le vendeur peut renoncer à la vente et se libérer de sa promesse si l'acquéreur ne vient pas signer l'acte authentique de vente, tout en demandant le versement de l'indemnité forfaitaire fixée dans la clause pénale. Cette indemnité peut être supérieure à 10% du prix de vente contrairement à l'indemnité d'immobilisation. Néanmoins, le juge a la capacité de la réduire s'il évalue le préjudice réel à un prix inférieur. Le compromis est donc moins souple pour les parties et comporte une incertitude sur l'issue judiciaire et sur le montant de l'indemnité obtenue en cas de refus de l'une ou l'autre des parties de signer l'acte authentique de vente.
D'un point de vue pratique, il est recommandé de qualifier l'engagement (promesse de vente - unilatérale ou synallagmatique) afin d'éviter les discussions ultérieures. Certaines promesses unilatérales emploient par exemple par erreur les termes "vendeur" et "acquéreur" alors qu'il faut parler de "promettant" et de "bénéficiaire". De la même façon, aucune "indemnité d'immobilisation" ne doit être mentionnée dans un compromis de vente, au risque que le juge requalifie le contrat en promesse unilatérale.
A part ces différences relatives à la force d'engagement du futur acquéreur, la promesse unilatérale et le compromis comportent des clauses identiques concernant les conditions suspensives, les droits de préemption à lever, les garanties liées à la vente...
2. Les enjeux du choix entre promesse unilatérale et compromis de vente
Voici quelques éléments à considérer pour faire le choix approprié en fonction des circonstances :
a. Avantages et inconvénients de chaque contrat :
La promesse unilatérale de vente offre certains avantages, tels que :
- Une plus grande flexibilité pour l'acquéreur, qui peut décider d'acquérir ou non le bien immobilier à la fin de la période de validité de la promesse.
- Une sécurité accrue pour l'acheteur, qui a l'assurance que le bien lui sera réservé pendant la durée de la promesse.
Cependant, la promesse unilatérale de vente présente également des inconvénients, notamment :
- L'engagement ferme du vendeur à vendre le bien dés la signature du contrat.
- La limitation de l'indemnité d'immobilisation
Le compromis de vente, quant à lui, offre les avantages suivants :
- Une sécurité juridique plus grande pour les deux parties, car le contrat de vente est conclu dès la signature du compromis.
- La possibilité pour les deux parties d'engager des poursuites en cas de non-respect des obligations contractuelles.
- La protection des intérêts financiers des deux parties grâce aux conditions suspensives.
Cependant, le compromis de vente présente également certains inconvénients, notamment :
- Une moindre flexibilité pour l'acquéreur, qui est tenu d'acquérir le bien une fois que toutes les conditions suspensives ont été remplies.
- Une plus grande implication financière pour l'acheteur, qui est généralement tenu de verser un dépôt de garantie à la signature du compromis.
b. Recommandations finales
La promesse unilatérale de vente peut être préférable dans les situations suivantes :
- Lorsque le vendeur souhaite s'assurer de la réservation du bien immobilier pour l'acheteur pendant une période donnée.
- Lorsque l'acheteur a besoin de temps supplémentaire pour finaliser son financement ou pour effectuer des vérifications supplémentaires sur le bien.
Le compromis de vente peut être recommandé dans les situations suivantes :
- Lorsque les parties sont prêtes à conclure la vente immédiatement et à s'engager fermement.
- Lorsque les conditions suspensives sont nécessaires pour protéger les intérêts des deux parties, par exemple pour permettre à l'acheteur de faire réaliser des expertises ou d'obtenir un prêt hypothécaire.
En conclusion, le choix entre promesse unilatérale et compromis est extrêmement important même si dans la pratique de l'immobilier d'entreprise, les acteurs choisissent dans la grande majorité des cas la promesse unilatérale.
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Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Membre du réseau de formateurs immo-formation.fr
Cette thématique est abordée lors d'une formation intitulée : "La pratique de la vente immobilière d'entreprise". Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Juillet 2023