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    Décret Tertiaire et décret "BACS" : deux contraintes pour les propriétaires et les exploitants liées à la transition écologique

    Le "décret tertiaire" vise à contrôler la demande d'énergie et à promouvoir l'efficacité énergétique des bâtiments tertiaires en France. Initialement introduit en 2010 dans le cadre du Grenelle de l'environnement, un premier décret de 2017 fut annulé par le Conseil d'État pour publication tardive, entraînant un retard par rapport aux engagements de la Conférence de Paris de 2015.
    En 2018, la loi ELAN a relancé le dispositif. Le "décret tertiaire" publié le 23 juillet 2019 impose une réduction graduelle de la consommation d'énergie dans les bâtiments tertiaires pour lutter contre le changement climatique. Il est officiellement désigné "Éco énergie tertiaire" par les autorités.
    Dès l'année prochaine, les obligations du "décret tertiaire" auront un impact significatif sur les stratégies d'investissement, les décisions des propriétaires et des locataires, ainsi que sur les prix des loyers et la valeur des biens.

    Quelles sont les obligations du décret tertiaire ?

    Les obligations consistent à réduire la consommation d'énergie dans les bâtiments tertiaires existants d'au moins 40 % d'ici 2030, 50 % d'ici 2040 et 60 % d'ici 2050 par rapport à une année de référence post-2010. Une année de référence complète est requise, avec des données de consommation couvrant 12 mois entre 2010 et 2019.
    Une option alternative est de respecter un seuil en kWh/m²/an spécifique à chaque catégorie d'activité, englobant tous les usages énergétiques sur une année et prenant en compte les indicateurs d'intensité d'usage propres à chaque typologie d'activité. Les seuils sont définis par décret au début de chaque décennie, avec des objectifs à atteindre à chaque échéance (2030, 2040, 2050). Les seuils relatifs spécifiques seront en principe tous publiés avant fin 2023 (sauf pour les DOM-TOM).
    Le décret autorise également la mutualisation des résultats pour tout ou partie du patrimoine d'un propriétaire lors de la vérification des objectifs.

    Qui est concerné ?

    Sont concernés les propriétaires et occupants de bâtiments à usage tertiaire privés et publics de plus de 1 000 m 2 de surface au plancher ou cumulée. Il s'agit des bureaux, hôtels, commerces, bâtiments dédiés à l’enseignement, bâtiments administratifs, résidences de tourisme & Loisirs, logistique, locaux d'activité... Sont également concernés tout ensemble de bâtiments situés sur une même unité foncière ou sur un même site dès lors que ces bâtiments, hébergent des activités tertiaires sur une surface cumulée égale ou supérieure à 1 000 m².

    3 catégories de bâtiments sont exclues du champ d’application :
    • les bâtiments ayant donné lieu à un permis de construire à titre précaire,
    • les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments destinés au culte,
    • les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments dans lesquels est exercée une activité opérationnelle à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire.

    Les propriétaires et locataires sont tenus de respecter cette exigence. Le champ de responsabilité de chacun dépendra des termes du contrat de location. Il est donc essentiel d'examiner attentivement les dispositions du contrat qui seront présentées par les propriétaires. En l'absence de dispositions spécifiques, il faudra interpréter les clauses existantes concernant les rénovations, les coûts, le comportement des résidents, en gardant à l'esprit que, sauf mention contraire dans le contrat, la jurisprudence impose au propriétaire la charge des travaux et de la mise en conformité exigés par les autorités administratives. Dans tous les cas, les occupants seront tenus de déclarer leur consommation d'énergie chaque année, sauf si le propriétaire reçoit une délégation à cet effet.

    Comment mettre en œuvre ces obligations ?

    Le décret prévoit 4 types d'action qui ne nécessitent pas toutes de gros investissements financiers, mais toutes contribuent à réduire la consommation énergétique :

    1. améliorer la performance énergétique du bâtiment via des travaux sur l’enveloppe du bâti (isolation, menuiserie, protection solaire...) ;
    2. installer des équipements performants (chauffage, eau chaude, éclairage, refroidissement, procédés...) et des dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements (lire plus bas la question relative au décret "BACS") ;
    3. optimiser l’exploitation des équipements (contrat d’exploitation avec objectif de résultat, suivi attentif de la gestion active des équipements...) ;
    4. adapter les locaux à un usage économe en énergie (adaptation de l’éclairage au poste de travail, extinction automatique de l’éclairage et des postes après fermeture...) et inciter les occupants à adopter un comportement écoresponsable (réduction du stockage des données informatiques, extinction des équipements...).

    L'annexe environnementale du bail commercial deviendra désormais un outil efficace pour définir ensemble les actions à entreprendre par chacun des acteurs (bailleur et occupants) et fixer qui supportera l'éventuel coût du remplacement d'un équipement ou des travaux de rénovation.

    Quelles sont les modulations prévues par le décret tertiaire ?

    Le décret tertiaire prévoit différentes modulations des objectifs de réduction de consommation d’énergie finale en cas de :

    risque pathologique pour le bâtiment affectant sa structure ou son clos couvert,
    modifications importantes des parties extérieures pour certains bâtiments classés,
    non-conformité aux servitudes relatives au droit des sols, au droit de propriété, à la sécurité des biens et des personnes ou à l’aspect des façades,
    changement de volume d’activité,
    coût manifestement disproportionné par rapport aux bénéfices attendus.

    La méthodologie de calcul de ces différentes modulations a été précisé dans un arrêté d'application du 10 avril 2020. Cet arrêté défini également le contenu du dossier technique que les acteurs ont l'obligation d'établir s'ils souhaitent pouvoir moduler leurs objectifs.
    Le législateur accepte ainsi que certaines situations puissent empêcher l’atteinte des objectifs, mais ces situations doivent être prouvées à l’aide d’un dossier technique. 

    Quelles sont les sanctions ?

    En cas de non-fourniture des informations par les propriétaires ou les résidents, le préfet sera responsable de l'émission d'une mise en demeure envers les responsables et leur accordera une période de trois mois pour soumettre les données requises via la plateforme de l'ADEME. Les pouvoirs publics ont annoncé qu'ils feront une vague de rappel en début d'année 2024 en recoupant certaines informations contenues dans des bases de données publiques (liste des ERP...). Si, après ce délai, les données ne sont toujours pas transmises, la mise en demeure sera rendue publique sur un site web gouvernemental afin de signaler cette omission.

    En ce qui concerne le non-respect des objectifs fixés pour les années 2030, 2040 et 2050 (à moins de justifications basées sur des ajustements techniques), le préfet émettra également une mise en demeure envers les responsables (propriétaire et/ou exploitant) et leur laissera un délai de six mois pour élaborer un plan d'actions correctives ainsi qu'un calendrier prévisionnel. Si ce délai n'est pas respecté, le préfet adressera une mise en demeure individuelle au propriétaire et/ou au locataire, leur octroyant à nouveau une période de six mois pour se conformer aux obligations. Enfin, si ce délai supplémentaire n'est toujours pas respecté, des sanctions financières pourront être appliquées, allant jusqu'à 1 500 € pour les personnes physiques et 7 500 € pour les personnes morales. De plus, leur nom sera publié sur un site internet (principe du "name & shame").

    Il est important de noter que ces sanctions financières ont principalement une portée symbolique, car l'État a privilégié des mécanismes de sanction du marché, susceptibles d'entraîner une détérioration de la réputation de l'entreprise, une diminution de sa valeur environnementale, ainsi que la perte d'opportunités commerciales, entre autres.

    Quelles sont les étapes de suivi de l’obligation ?

    La plateforme OPERAT, créée par l’ADEME, permet aux obligés de renseigner toutes les données relatives aux bâtiments et à leurs consommations, leur année de référence afin de calculer l’atteinte de leurs objectifs ainsi que les éventuels dossiers techniques justifiant de leur non-atteinte.
    La plate forme est aujourd'hui opérationnelle  : https://operat.ademe.fr/

    Au 31 décembre 2022 au plus tard, les exploitants ou propriétaires-occupants ont dû renseigner sur la plateforme pour chacun des bâtiments concernés :

    • l’activité tertiaire exercée,
    • la surface de chaque bâtiment ou partie de bâtiment,
    • les consommations annuelles d’énergie,
    • l’année de référence et les consommations associées,
    • les indicateurs d’intensité d’usage applicables aux activités hébergées,
    • les modulations du volume d’activité,
    • les consommations liées à la recharge des véhicules électriques.
    Une fois toutes ces informations recueillies, la plateforme de l’ADEME calcule automatiquement :
    • les modulations sur le volume d’activité,
    • les consommations annuelles d’énergie corrigées des variations climatiques,
    • le volume de gaz à effet de serre émis du fait des consommations énergétiques.

    Enfin, la plateforme OPERAT permettra un suivi de l’obligation à l’échelle nationale en proposant un baromètre d’avancement régulier, sous couvert d’anonymat.

    La plateforme éditera pour chacun des acteurs chaque année à partir de début 2024 (une fois que l'ensemble des arrêtés d'application auront été publiés) une attestation numérique des consommations ajustées en fonction des variations climatiques mentionnant la situation de chacun par rapport aux objectifs. Cette attestation est complétée par la notation Éco énergie tertiaire qui qualifie l'avancée dans la démarche de réduction de la consommation énergétique. Cette attestation devra être jointe aux baux commerciaux et aux actes de vente des immeubles concernés.

    Quel calendrier ?

    L'ensembles des données décrites ci-dessus ont du être déclarées concernant les consommations 2020, 2021 et 2022 avant le 30 septembre 2023. Le dossier technique pouvant justifier d'une modulation des objectifs pour disproportion économique devra être mis en ligne avant le 30 septembre 2026.

    La plateforme OPERAT met en ligne un récapitulatif des aides financières mobilisables (crédit d'impôt pour les PME, certificats d’économies d’énergie (CEE) de la part des fournisseurs, prêt éco-énergie (PEE) auprès de Bpifrance...

    Et le décret "BACS" ?

    L’objectif des pouvoirs publics est d’équiper progressivement tous les bâtiments tertiaires existants et neufs de systèmes de Gestion Technique du Bâtiment (GTB) d’ici 2027, avec une première échéance au 1er Janvier 2025 pour les bâtiments à partir d’une superficie moyenne de 2 000 à 3 000 m² (puissance de l'équipement de chauffage/climatisation supérieur à 290 kW).

    Pour rappel, le décret BACS (Building Automation and Control System), sorti fin juillet 2020, prévoit d’équiper tous les bâtiments tertiaires de systèmes d’automatisation et de contrôle. Ces systèmes permettront aux bâtiments tertiaires de réduire leurs consommations de manière autonome et ainsi d’atteindre leurs objectifs d’efficacité énergétique prévus dans le décret tertiaire. 

    Le Décret et l’Arrêté parus au Journal Officiel le 8 Avril 2023 élargissent cette obligation à tous les bâtiments tertiaires possédant un système de chauffage ou de refroidissement d’une puissance nominale supérieure à 70kW à partir de janvier 2027. En pratique, cela revient à étendre l’obligation d’installation à tous les bâtiments tertiaires autour de 1 000 m².

    Un propriétaire pourra échapper à l'obligation en produisant une étude établissant que l'installation d'un tel système n'est pas réalisable avec un temps de retour sur investissement inférieur à 10 ans. C'est sur le propriétaire que repose l'obligation d'installer le système de régulation mais cela ne l'interdit pas de reporter ces frais sur le preneur par des clauses adéquates dans le bail commercial, sous réserve que ces travaux ne soient pas considérés comme relavant des travaux de grosses réparations de l'article 606 du Code civil.

    Aucune sanction n'est envisagée par les textes.

    Quels sont les avantages de ces systèmes d'automatisation et de contrôle ?

    D’abord, ils sont capables de suivre, d’enregistrer et d’analyser la consommation énergétique du site, mais aussi de l’ajuster en continu en fonction des besoins.

    Ils situent l’efficacité énergétique du bâtiment en la comparant à des valeurs de référence.

    Ils peuvent ainsi détecter les pertes d’efficacité des systèmes qu’ils suivent et immédiatement informer la personne en charge des installations concernées, ou de la gérance technique du bâtiment, des possibilités d’amélioration de l’efficacité énergétique.

    Ils sont interopérables avec les différents systèmes techniques du bâtiment (chaufferie, production de froid, centrale de traitement d’air, etc.) ; cela signifie qu’ils ont la capacité de communiquer avec les autres systèmes ou appareils connectés présents dans le bâtiment.

    Enfin, ils permettent un arrêt manuel et la gestion autonome d’un ou plusieurs systèmes techniques de bâtiment.

    Ils permettraient d'atteindre une baisse de consommation énergétique de 30% environ.

    Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant de l'organisme de formation immobilier Immo-formation.fr . Ce sujet est développé dans une formation sur l'actualité du bail commercial
    Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Juillet 2023
     

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