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    L’indemnité d'éviction : tout savoir et tout comprendre

    La caractéristique essentielle du statut des baux commerciaux est le droit au renouvellement qui permet de protéger et de valoriser les fonds de commerce, industriels ou artisanaux.
    L'indemnité d'éviction est la clef de voûte du statut. En effet, l'indemnité d'éviction est le prix à payer au locataire par le bailleur qui entend refuser le renouvellement du bail pour reprendre la libre jouissance de son bien dès lors qu'il ne peut pas évoquer l'un des motifs l'exonérant du paiement de cette indemnité. L'indemnité d'éviction garantit ainsi au locataire son droit à renouvellement et, à cet effet, elle doit être égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
    Les praticiens ont ainsi dénommé ce droit du locataire au renouvellement de son bail, ou à défaut, à l'obtention d'une indemnité d'éviction comme la « propriété commerciale ».

    Quand intervient le versement d’une indemnité d’éviction ?

    L'offre d'indemnité d'éviction intervient en principe à l'échéance du bail (échéance contractuelle) à l'occasion de la signification d'un congé avec refus de renouvellement ou du refus de renouvellement signifié suite à une demande de renouvellement de la part du locataire. L'offre d'indemnité d'éviction peut également être signifiée pour une fin de période triennale lorsque le bailleur peut se prévaloir d'une des circonstances visées au Code de commerce pour construire, reconstruire, surélever l'immeuble existant ou exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière, ou changer l’usage des locaux pour un usage de logement.

    Le bailleur peut-il refuser de la verser ?

    Le droit à indemnité d'éviction n'est cependant pas systématique. Puisque cette indemnité répare la perte du droit au renouvellement du bail, le locataire évincé doit remplir les conditions inhérentes au droit au renouvellement pour pouvoir y prétendre : 

    -    L'exploitation du fonds de commerce doit être continue, du moins jusqu'à la date d'effet du congé à peine pour le locataire de perdre le droit à indemnité d'éviction, sauf motifs légitimes de non-exploitation. Celle-ci doit perdurer aussi longtemps que les clés ne sont pas restituées au bailleur.

    -   Le locataire doit être immatriculé au RCS ou au Répertoire de Métiers à la date de délivrance du congé et à sa date d'effet, ou à la date de l'assignation diligentée par le locataire pour revendiquer le bénéfice du statut. 

    Le bailleur peut également refuser le renouvellement d'un bail commercial sans être tenu de payer une indemnité d'éviction si l'immeuble est déclaré insalubre par l'autorité administrative ou s'il ne peut plus être occupé sans danger en raison de son état.

    Comment l’indemnité d’éviction est-elle fixée ?

    Lorsqu'un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction a été signifié et que les parties ne trouvent pas un accord sur le montant de l'indemnité (cas le plus fréquent en pratique), la fixation de l'indemnité d'éviction relève de la compétence du tribunal judiciaire. 

    L'indemnité d'éviction doit réparer le préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement : tout le préjudice mais rien que le préjudice. Lorsque le refus de renouvellement ne cause aucun préjudice au locataire évincé, il n'y a pas lieu de lui allouer une indemnité d'éviction.
    L'indemnité principale est une indemnité de remplacement (ou de perte de fonds) si le locataire évincé perd sa clientèle du fait du refus de renouvellement. Elle sera une indemnité de transfert (ou de déplacement) dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque le preneur aura une activité indépendante du site (par exemple pour les locaux à usage de bureaux).
    Lorsque le transfert du fonds de commerce dans un autre local est incertain, l'estimation de l'indemnité d'éviction doit être fondée sur l'hypothèse de la perte du fonds de commerce dans sa totalité.
    La loi ne définit pas les méthodes d'évaluation de l'indemnité d'éviction. En pratique, les experts utilisent plusieurs méthodes d’évaluation.
    Pour évaluer le fonds de commerce, le code de commerce renvoie à « la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession », ce qui reste très floue.

    L'estimation du fonds de commerce est le plus souvent opérée en rapprochant plusieurs méthodes, appuyées sur les éléments chiffrés de l'exploitation et l'examen de son environnement. 
    La pratique des experts a connu dans ce domaine une évolution rapide en peu d'années : on a ainsi vu les usages évoluer du taux sur recettes à la capitalisation de la marge brute d'autofinancement puis à celle de l'excédent brut d'exploitation avant d'envisager aujourd'hui d'introduire la méthode par actualisation des cash-flows.

    Il est généralement procédé par recoupement de deux ou plusieurs méthodes pour autant qu'elles aboutissent à des résultats suffisamment cohérents.

    Dans tous les cas, qu'il s'agisse de fixer une indemnité de perte du fonds ou de déplacement, il y a lieu de rechercher la valeur du droit au bail. Le droit au bail est le capital correspondant à l'intérêt d'être situé à un emplacement donné pour exercer une activité donnée moyennant un loyer donné ; plus l'emplacement est bon, la destination contractuelle large et le loyer modéré, plus la valeur du droit au bail est élevée.
    Il y a ensuite les indemnités accessoires d'éviction : remboursement éventuel des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, le trouble commercial, les frais administratifs, l'indemnité de double loyer, la perte de travaux et d'agencements spécifiques et irrécupérables, les indemnités de licenciement, les frais de dépollution d’une ICPE…C’est une liste non exhaustive.

    Enfin, si le Bailleur estime que l’indemnité d’éviction fixée par le juge est trop élevée, il dispose de 15 jours pour se repentir à compter de la décision judiciaire rendu en dernier ressort. Le bailleur ne peut se repentir que si le locataire s’est maintenu dans les lieux. Un nouveau bail commercial prend effet à compter du jour où le repentir est notifié au locataire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Aucune indemnité d’éviction n’est alors versée dans cette hypothèse.

    Quand et comment l’indemnité d’éviction est-elle réglée ?

    Le législateur a garanti le paiement de cette indemnité en accordant au preneur un droit au maintien dans les lieux jusqu'à ce qu'il ait reçue l’indemnité d’éviction : aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

    Le locataire doit régler une indemnité d'occupation qui se distingue du loyer par sa nature et son mode de calcul. Toutefois, si le bailleur omet de solliciter judiciairement la fixation d'une telle indemnité, celle-ci sera égale au dernier loyer, éventuellement révisé.
    En conséquence, l'indemnité doit correspondre à la valeur locative établie conformément aux dispositions du Code de commerce (les règles du plafonnement ne s’appliquent pas et le bailleur ou le locataire pourront donc demander la fixation de cette indemnité devant un juge en cas de désaccord).

    Le règlement de l'indemnité d'éviction va permettre au bailleur d'exiger du locataire la libération des lieux. À cette fin, ce règlement doit être intégral et effectué entre les mains du locataire ou du séquestre désigné.
    Si la libération des lieux n'est pas consécutive au règlement de l'indemnité, il peut s'ensuivre des sanctions pour le locataire. Parallèlement, le bailleur qui refuse de régler l'indemnité d'éviction s'expose également à des pénalités.

    L'indemnité d'éviction devra être versée au locataire dans un délai de trois mois à compter de la date d'un commandement signifié par acte extrajudiciaire après l'expiration du délai de quinzaine prévu au bénéfice du bailleur pour qu'il exerce son droit de repentir. En cas de non-paiement par le propriétaire dans ce délai de trois mois, le locataire pourra réclamer le paiement d’intérêts légaux calculés sur le montant de cette indemnité.

    En cas de non-remise des clés par le preneur à la date fixée et après mise en demeure, le séquestre retient 1 % par jour de retard sur le montant de l'indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa simple quittance. 

    Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant de l'organisme de formation immobilier Immo-formation.fr. Ce sujet est développé dans une formation intitulée "Le bail commercial : fondamentaux et actualité".
    Pour toute information sur cette formation :
    contact@immo-formation.fr. Septembre 2024

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