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    La résiliation judiciaire du bail commercial

    La résiliation du bail commercial est un sujet d'importance majeure pour les professionnels de l'immobilier en France. Comprendre les différentes modalités et les conditions requises pour résilier un bail commercial est essentiel pour les propriétaires et les locataires. Cette série de trois articles vise à fournir un guide pratique sur la résiliation du bail commercial, en mettant l'accent sur les principales dispositions légales et les étapes clés à suivre.

    La résiliation du bail est la rupture pour l'avenir du contrat en cours. Elle peut notamment résulter d'infractions aux clauses du bail (résiliation judiciaire ou résiliation de plein droit par application d'une clause résolutoire), d'un accord des parties (révocation mutuelle) ou de la perte de l'immeuble. Par ailleurs, les parties disposent d'une faculté de résiliation triennale.

    Nous évoquerons dans cet article la résiliation judiciaire du bail.

    Même en présence d'une clause résolutoire, le bailleur peut renoncer à cette dernière et exercer l'action en résiliation du bail. En effet, la résiliation peut, en toute hypothèse, être demandée en justice en vertu de l'article 1227 du Code civil. Ainsi, l'insertion dans un bail d'une clause prévoyant la résiliation de plein droit ne prive pas le bailleur du droit de demander la résolution judiciaire pour le même manquement.
    Le bail peut être résilié en cas d'inexécution par le bailleur ou par le locataire de leurs engagements (art. 1741 du Code civil). Cette règle est le rappel, appliqué au contrat de bail, du principe selon lequel la partie envers qui l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut provoquer la résolution du contrat (art. 1217 du code civil).
    Certains auteurs préfèrent utiliser le terme "résolution" au lieu de "résiliation" depuis la réforme du droit des contrats opérée par l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016. En fait, l'ensemble des prestations réciproques (loyer/mise à disposition du local...) n'ont généralement pas à être restituées, la résolution est alors appelée "résiliation" car la rupture du contrat n'a lieu que pour l'avenir.

    A. A quelles conditions peut-on demander la résiliation du bail en cours ?

    La résiliation judiciaire du bail ne peut être prononcée qu'en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations nées du bail, qu'elles soient d'origine contractuelle ou légale. 
    Les motifs peuvent être les suivants :
    -  du manquement à l'obligation de délivrance par le bailleur, 
    -  du défaut de paiement des loyers ou leur paiement avec retard, 
    -  du non-respect des obligations d'exploitation,  
    -  du non-respect de la destination des lieux, 
    -  de la violation de l'interdiction de sous-louer,
    -  de la violation des dispositions interdisant ou limitant la cession du bail, 
    -  de la violation des règles encadrant la réalisation de travaux.
    Concernant l'obligation d'exploitation, elle doit être mentionnée dans le bail : selon la jurisprudence, l’obligation d’exploiter est une condition d’application du statut des baux commerciaux dont l’inexécution ne peut entraîner la résiliation du bail en l’absence d’une clause imposant l’exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués.
    Un des motifs invoqués peut être également un ou plusieurs agissements liés à la conduite des parties, sans lien direct avec le contrat (injures réitérées ou violence envers le bailleur...).

    En second lieu, pour entraîner la résolution du bail, le manquement invoqué doit revêtir une gravité suffisante qui est souverainement appréciée par les juges (au contraire de la mise en jeu de la clause résolutoire - voir Partie 2). 
    Le motif qui a empêché la partie de remplir ses obligations est par ailleurs, cet empêchement résulterait-il du fait d'un tiers ou de la force majeure.
    Enfin, il importe peu que l'inexécution invoquée ait causé ou non un préjudice au bailleur.

    B. Comment mettre en œuvre la résiliation ?

    La résolution doit être demandée en justice (article 1227 du Code civil). C'est le Tribunal Judiciaire qui est compétent et non le Tribunal de commerce (par ailleurs le juge des référés ne peut pas prononcer la résiliation du bail). 
    En pratique, il est difficile d'obtenir la résiliation judiciaire du bail commercial, le juge préférant le plus souvent "sauver" le contrat et éviter la perte du fonds de commerce. Le juge peut ordonner à la place l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai, ou encore allouer des dommages et intérêts.

    Contrairement à la mise en œuvre d'une clause résolutoire ou au refus de renouvellement, la demande en résolution judiciaire d'un bail commercial n'a pas à être précédée d'une mise en demeure sauf clause contraire du bail. 
    Point important en copropriété : En cas de carence du bailleur, le syndicat des copropriétaires, qui peut exercer à sa place, par la voie oblique, les actions dont il dispose à l'encontre de son locataire, peut demander la résolution du bail et l'expulsion du locataire. La jurisprudence a rappelé ce principe à plusieurs reprises ces dernières années.

    La demande en résolution judiciaire peut intervenir postérieurement à un refus de renouvellement avec ou sans offre d'indemnité d'éviction, pour des motifs invoqués ou non dans le congé et éventuellement postérieurs à celui-ci. En revanche, le bailleur qui a accepté, même tacitement, la demande de renouvellement du bail formée par le locataire ne peut pas ensuite en réclamer la résolution judiciaire pour des manquements contractuels antérieurs au renouvellement.
    La résiliation judiciaire du bail pour inobservation des obligations contractuelles découlant des clauses du bail est soumise à la prescription de 5 ans (article 2224 du Code civil). Les faits invoqués par le bailleur ne doivent pas datés de plus de 5 ans.

    C. Quels sont les effets de la résiliation du bail commercial ?

    La résiliation judiciaire prend effet à la date fixée par le juge (qui peut être la date à partir de laquelle les parties ont cessé d'exécuter leurs obligations) ou, à défaut, au jour de la décision judiciaire (date fixée par le juge d'Appel si l'exécution provisoire n'est pas obtenue). Elle met fin au contrat : elle agit donc, en principe, seulement pour l'avenir. En vertu de l'article 1228 du Code civil, le juge peut également accorder des délais d'exécution d'office mais ils sont rarement octroyés. En effet, lorsque le juge prononce la résiliation du bail, c'est dans les hypothèses d'une faute grave du locataire, situations qui ne justifient donc pas l'octroi d'un délai de répit pour l'auteur de l'infraction.
    À compter de la résiliation du bail, le locataire devient occupant sans droit ni titre. S'il se maintient dans les lieux, il commet une faute extracontractuelle qui l'expose à payer une indemnité d'occupation au bailleur (ou de verser la clause pénale prévue le cas échéant par le bail en cas de retard à évacuer les lieux en fin de contrat) jusqu'à la restitution des clefs. À la fois compensatoire et indemnitaire, l'indemnité d'occupation est destinée à rémunérer la jouissance des lieux et à réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de l'occupation sans droit ni titre. Elle dépend dont de la nature de la faute et du préjudice subi par le bailleur. Elle peut être supérieure au loyer fixé dans le contrat, si ce dernier notamment avait été fixé en dessous de la valeur locative.

    En plus de l'indemnité d'occupation, le locataire qui est resté dans les lieux après la résiliation peut être condamné à verser des dommages-intérêts destinés à réparer un préjudice distinct de celui résultant du maintien dans les lieux.
    Si le locataire quitte les lieux, l'indemnité d'occupation n'est plus due. Le bailleur peut demander l'application de l'article 1760 du code civil : « En cas de résiliation par la faute du locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du bail pendant le temps nécessaire à la relocation, sans préjudice des dommages et intérêts qui ont pu résulter de l'abus ». Dès lors, le bailleur qui souffre d'un préjudice du fait de l'inoccupation prématurée des lieux loués aura droit à une indemnisation, mais seulement pendant le temps nécessaire à la relocation, lequel est évalué par rapport à la durée légale de préavis, soit six mois.

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    Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant du centre de formation spécialisé dans l'immobilier : Immo-formation.fr. Ce sujet est développé dans une Formation bail commercial d'une journée.
    Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Juillet 2023
     

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