Conseils d'experts
Le changement de destination

Pour répondre aux besoins changeants des entreprises et de la société, il est souvent nécessaire de transformer ou réaménager les bâtiments existants. C'est ici que le concept de "changement de destination" prend toute son importance. Néanmoins, le changement de destination d'un bien immobilier est un processus juridique complexe, mais incontournable, qui permet de transformer un bâtiment ou un local d'un usage à un autre, tout en respectant les règles d'urbanisme et les normes en vigueur. Les pouvoir publics locaux (commune, intercommunalités...) souhaitent pouvoir maîtriser les changements de destination dans un soucis de cohérence territoriale.
L'intérêt de ce sujet réside principalement dans deux situations :
- appréhender les hypothèses où l'occupant (preneur à bail ou propriétaire) a procéder à un changement de destination sans avoir respecté les règles en vigueur.
- connaître les règles de changement de destination dans l'hypothèse où le preneur ou le propriétaire souhaite changer la destination du bien.
Comment régulariser ? Comment procéder à un changement de destination en toute légalité ?
M2 Conseil vous expose les formalités prévues dans le code de l'urbanisme pour effectuer un changement de destination ou régulariser une situation existante.
Il faut dans un premier temps appréhender la notion de changement de destination avant de voir les formalités à respecter.
A. la notion de changement de destination
1. La notion de destination en matière d'urbanisme
Il n'y a pas de définition légale de la notion de "destination" des constructions. Elle renvoie à l'usage auquel les constructions sont destinées. Le code d'urbanisme liste simplement des destinations et des sous destinations, qui peuvent être utiliser dans le cadre du PLU (Plan local d'urbanisme).
Liste des destinations (R151-27 code de l'urbanisme) et sous destinations :
1 - exploitation agricole et forestière :
exploitation agricole,
exploitation forestière
2 - habitation :
logement,
hébergement
3 - commerce et activités de service :
artisanat et commerce de détail,
restauration,
commerce de gros,
activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle,
cinéma,
hôtels,
autres hébergements touristiques ;
4 - équipements d'intérêt collectif et services publics :
locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés,
locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés,
établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale,
salles d'art et de spectacles,
équipements sportifs,
lieux de culte,
autres équipements recevant du public ;
5 - autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire :
industrie,
entrepôt,
bureau,
centre de congrès et d'exposition,
cuisine dédiée à la vente en ligne.
Le contenu des différentes sous-destination est précisé par arrêté ministériel et une fiche technique établie par les services ministériels détaille le contenu précis de chacune des destinations.
Afin d'appréhender le développement des "dark kitchen", cette destination a été ajoutée à la rubrique n°5 "autres activités" par un arrêté du 22 mars 2023. Ainsi, transformer un restaurant (rubrique n°3) en "cuisine dédiée à la vente en ligne" est un changement de destination qui doit obéir aux formalités décrites ci-après. De la même façon, transformer un ancien magasin en "dark store" (lieux de stockage et préparations des livraisons liées à des commandes en ligne) relève de la sous-destination "entrepôt" selon la doctrine administrative.
L'immobilier d'entreprise sera donc concerné par les destinations 3 (Commerce), 4 (mission de service public) et 5 (autres activités). Comme on peut le constater la destination "local d'activités" très souvent employé en immobilier d'entreprise n'existe pas en matière d'urbanisme. Le local d’activités est un bâtiment (ou une partie d’un bâtiment) consacré à l’exercice d’une activité artisanale, commerciale ou une production réduite industrielle. Dans son aspect commercial, il s’agit d’une distribution légère et non d’un vaste entrepôt commercial. le local d'activité va donc comprendre plusieurs destinations et sous destinations : commerce de détail et artisanat, entrepôt, bureaux, industrie...Il faut donc être vigilant lorsque l'on emploie le terme "local d'activité" dans un bail commercial ou une vente d'un actif : en effet, la destination précise du bien en matière d'urbanisme se trouvent dans l'autorisation d'urbanisme à l'origine de la construction du bien (permis de construire, déclaration préalable).
De plus, les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination et sous destination que le local principal. On ne prend donc pas en compte la destination du local annexe, la destination du local principal lui est appliquée. Le local accessoire fait soit partie intégrante d’une construction principale, soit il en constitue une annexe, soit une extension. Il est indissociable du fonctionnement de la construction principale. La doctrine administrative a « rappelé qu’une annexe est une construction secondaire, de dimensions réduites et inférieures à la construction principale, qui apporte un complément aux fonctionnalités de la construction principale".
Si le bâtiment est affecté à plusieurs destinations (habitation, bureau, commerce par exemple), les annexes du bureau sont considérées comme bureau par le code de l'urbanisme et les locaux annexes commerciaux comme commerces. Une réponse ministérielle a précisé par exemple : dans le cas d'un bâtiment qui abrite à la fois des locaux de fabrique artisanale et des locaux affectés à la commercialisation de sa production, l'ensemble du bâtiment doit être considéré comme étant destiné à l'artisanat. Les locaux commerciaux sont considérés comme des annexes. C'est donc l'activité principale qui va qualifier la destination du bâtiment. Par exemple, pour un local d'activité qui sert principalement de lieux de stockage avec quelques bureaux, la destination totale du bâtiment sera "entrepôt".
2 - La notion de changement de destination
Il y a changement de destination si les travaux d'aménagement effectués sur une construction ont pour effet :
- de la faire changer de destination
- de la faire changer de sous destination (tout en maintenant la destination principale)
On compare simplement la destination ou la sous destination existante et la destination envisagée.
Concernant la destination "existante", on prend en compte la destination initiale du bâtiment (ou son changement ultérieur) qui a fait l'objet d'une autorisation. On ne se base donc pas sur l'usage effectif des locaux au jour de la demande.
La jurisprudence a précisé « que, lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé ou de changer sa destination". Par exemple, tout permis de construire en vue de l’extension de cette construction, sans présenter au préalable une demande de régularisation, sera susceptible d'être refusé par l'administration.
Comme nous l'avons dit, les destinations des locaux accessoires ne sont pas pris en compte : le changement de destination d'un local accessoire s'appréciera donc uniquement au regard du local principal. La destination propre ou réelle d'un ;local accessoire n'entre donc pas en ligne de compte dans l'opération de qualification de changement des destination.
B. Les formalités prévues en cas de changement de destination
Depuis le décret du 28 décembre 2015, deux situations sont prévues par le Code de l'urbanisme.
1.Le changement de destination est soumis à déclaration préalable
Tous les changements de destination qui sont fait sans travaux ou sans que ces travaux ne modifient les structures porteuses ou la façade du bâtiment doivent donner lieu à une déclaration préalable en mairie.
Les changements de sous-destination (au sein d'une même destination) opérés dans le même contexte (sans travaux...) ne font l'objet quant à eux d'aucune autorisation (ni déclaration préalable, ni permis de construire).
Les changements de destination des locaux accessoires ne font l'objet d'aucune autorisation (même si les travaux conduisent à modifier la structure porteuse du bâtiment ou sa façade). Par exemple, des travaux consistant à aménager une chambre dans un local principalement à usage de bureaux, ne sont pas soumis à l'exigence d'une déclaration préalable.
2. le changement de destination soumis à permis de construire
Seuls deux changements de destination sont soumis à permis de construire.
Ils concernent les hypothèses où un changement de destination ou de sous- destination intervient à l’occasion de travaux exécutés sur une construction existante ayant pour effet de modifier :
– « les structures porteuses » du bâtiment par exemple l’installation d’un IPN à la place d’un mur porteur) ;
– ou « la façade » du bâtiment, par exemple la création d’une vitrine. Les façades comprennent l’ensemble des faces extérieures du bâtiment, même non visibles depuis la voie publique.
Bien évidemment, dans les deux hypothèses (déclaration préalable et permis de construire), le changement de destination ne sera autorisé que si la destination est admise dans la zone du PLU. La mairie pourra ainsi refuser la transformation d'un restaurant en dark kitchen, ou celle d'un magasin en dark store si le PLU n'admet que les destinations de la rubrique n°3 (commerce) sur l'emplacement.
Un dernier point important : le changement de destination doit être apprécié au regard des dispositions actuelles du code de l'urbanisme, en fonction de la nomenclature des destinations et sous destinations fixées de puis le 1er janvier 2016 par les articles R151-27 et R151-28 du code de l'urbanisme. On ne prend donc pas en compte les destinations fixées par les textes au moment de l'autorisation initiale de construction. Par exemple, une transformation projetée d'une boucherie en commerce opérait auparavant un changement de destination, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.
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Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant de l'organisme de formation immobilier Immo-formation.fr. Ce sujet est abordé dans une formation sur la cession d'un actif d'immobilier d'entreprise.
Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Juillet 2023