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Le dépôt de garantie dans le bail commercial : ce que vous devez savoir

Lorsqu'il s'agit de louer un local commercial, le dépôt de garantie est une clause courante qui vise à assurer l'exécution des obligations locatives par le locataire. Cependant, il est important de comprendre les aspects essentiels du dépôt de garantie afin de prendre des décisions éclairées lors de la négociation d'un bail commercial.
MCarré Conseil vous aide à comprendre les enjeux d'un tel versement.
1.Un dépôt de garantie : pour quoi faire ?
Le dépôt de garantie est destiné à garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire. Aucun article du Code civil ne le vise. Il ne fait l'objet que d'une seule disposition dans le Code de commerce (art. L 145-40). C'est donc aux parties de préciser son objet et sa portée.
Ainsi la clause relative au dépôt de garantie doit-elle préciser en premier lieu la nature des créances garanties : loyer, charges, réparations locatives, remise en état des lieux, indemnités d'occupation. Le dépôt peut également garantir le paiement des impositions dont le bailleur est tenu solidairement avec le locataire à l'égard du Trésor public. Afin d'étendre au maximum le champ des sommes couvertes, la clause peut préciser que « toutes les sommes dues au départ du locataire, à quelque titre que ce soit » pourront être retenues sur le dépôt de garantie.
2. Quel montant fixer pour le dépôt de garantie ?
Les parties au bail sont libres de déterminer le montant du dépôt de garantie. En pratique toutefois, le montant demandé par le bailleur est souvent limité à deux termes de loyers puisqu’au-delà de ce seuil, les sommes versées d'avance portent obligatoirement intérêt au profit du locataire.
En effet, les loyers payés d'avance sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes (C. com. art. L 145-40). Le loyer payé d'avance et le pas de porte doivent être compris dans les "sommes versées d'avance au bailleur".
Ainsi si le loyer est payable par trimestre, c'est le trimestre qui constitue le terme. Le bailleur peut donc obtenir un trimestre de loyer d'avance et un trimestre de dépôt de garantie ou deux trimestres de dépôt de garantie si le loyer est payable à terme échu.
Si le loyer est mensuel, c'est le mois qui constitue le terme et le bailleur peut obtenir un mois de loyer d'avance et un mois de dépôt de garantie ou deux mois de dépôt de garantie si le loyer est payable à terme échu.
3. Sous quelle forme est versé le dépôt de garantie ?
Les parties au bail sont également libres de déterminer les modalités de règlement du dépôt de garantie : périodicité mensuelle ou trimestrielle, paiement par avance ou à terme échu.
Lorsque le dépôt de garantie est versé au moyen d'un chèque, le bailleur peut l'encaisser immédiatement même si les parties ont prévu que le chèque ne sera pas encaissé ou qu'il ne le sera que si certaines conditions sont remplies ; le chèque est en effet un instrument de paiement même dans le cas où il a été remis à titre de garantie.
4. Le montant du dépôt de garantie peut-il être révisé ?
Les parties peuvent envisager la révision du dépôt de garantie en cours de bail ou lors de son renouvellement. Le bail prévoit généralement que le montant du dépôt de garantie évoluera avec le loyer et sera révisé lors de chaque modification de ce dernier (en utilisant les mêmes indices : ILC ou ILAT) pour lui conserver sa valeur. En l'absence de stipulation expresse en ce sens, le montant du dépôt ne pourra être réajusté qu'au moment du renouvellement du bail.
5.Quand est-il restitué ?
Le dépôt de garantie doit être rendu au locataire lors de son départ, après entière exécution de ses obligations, même s'il a été versé par un tiers. Ce dernier ne peut pas de son propre chef imputer le ou les derniers termes de loyers sur le dépôt de garantie.
S'agissant d'une dette personnelle du bailleur à l'égard du locataire, la restitution du dépôt de garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant cause particulier.
Lorsque le locataire a versé un dépôt de garantie en vertu du bail et qu'il cède le bail, il est en droit d'obtenir du bailleur le remboursement du dépôt. De son côté, le bail se poursuivant aux conditions convenues entre le cédant et le bailleur, l'acquéreur du bail doit reverser le dépôt de garantie.
Le dépôt de garantie, destiné à garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire, ne peut être restitué qu'après qu'il a libéré les lieux (remise des clés entre les mains du bailleur ou de son représentant).
Contrairement au régime des baux d'habitation qui impose un délai maximal de deux mois pour la restitution du dépôt de garantie, aucun délai maximum n'est prévu en matière de baux commerciaux. Les parties peuvent, si elles le souhaitent, librement déterminer ce délai dans le bail.
6. Quel est le sort du dépôt de garantie en cas de cession de l'immeuble par le bailleur ?
C'est l'un des points de vigilance les plus important en matière de dépôt de garantie. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, le dépôt de garantie constitue une dette personnelle du bailleur originaire qui n'est pas transmise de plein droit à l'acquéreur.
En cas de vente du bien loué en cours de bail c’est au bailleur originaire et non à l’acquéreur de procéder à la restitution du dépôt de garantie. En partant du même principe, l’acquéreur de l’immeuble qui n’a pas reçu les dépôts ne pourra en demander le paiement aux locataires qui les ont versés au vendeur, si le vendeur ne les a pas restitués.
Le preneur à bail est en droit d’en demander le remboursement au vendeur même si les dépôts ont été mentionnés comme ayant été transmis dans l’acte de vente. L'occupant conserve donc deux débiteurs en cas de vente des murs de son fonds de commerce.
Généralement, lors de la vente de l’immeuble, le vendeur transfère les dépôts de garantie à l’acquéreur et il est possible de prévoir dans les baux qu’en cas de vente de l’immeuble le locataire ne pourra obtenir le remboursement du dépôt de garantie que de l’acquéreur.
7. Le bailleur peut-il retenir des sommes sur le dépôt de garantie au moment de sa restitution ?
Après entière exécution de ses obligations par le locataire, le bailleur est tenu de lui restituer le dépôt de garantie et ne peut pas le conserver de manière abusive. En particulier, lorsque le bailleur constate que les locaux loués lui ont été rendus en bon état et reconnaît ne pouvoir demander le paiement d'aucun travaux et n'avoir perdu aucun loyer, il est tenu de restituer le dépôt de garantie car dès l'état de sortie, il a recouvré la libre disposition des lieux et a pu relouer à un autre locataire.
Mais en cas de manquement du locataire à ses obligations locatives, la fonction de garantie du dépôt doit jouer et ce dernier n'est restitué qu'après déduction des sommes dues au bailleur. Il est conseillé de mentionner dans le bail que pourra être retenue par le bailleur « toutes les sommes dues au départ du locataire, à quelque titre que ce soit ».
Pour retenir une somme sur le dépôt de garantie, le bailleur doit remplir trois conditions selon la jurisprudence en vigueur : la preuve d’un préjudice, une faute du preneur et un lien de causalité entre les deux.
Il est toutefois possible d’insérer une clause prévoyant que le bailleur conservera le dépôt de garantie à titre d’indemnisation forfaitaire des fautes du locataire, y compris en incluant celles survenues après l’expiration du bail, mais avant la restitution des clés.
Les parties peuvent indiquer qu'il restera acquis au bailleur à titre de dommages-intérêts, sans préjudice de toutes sommes qui pourront être dues par ailleurs (notamment au titre de loyers arriérés ou de frais de remise en état), en cas de rupture du bail.
Cette clause pourrait néanmoins être qualifiée de clause pénale, la somme indiquée dans cette clause serait en conséquence susceptible d'être réduite par le juge.
Afin d'éviter tout problème d'interprétation les parties ont intérêt, soit à rédiger une telle clause de manière très générale afin d'englober le maximum de situations, soit à délimiter précisément les cas où le dépôt de garantie reste acquis, en précisant à quel type de rupture du bail (résiliation, refus de renouvellement) et pour quelles causes de rupture (cause quelconque ou seulement pour une faute du locataire) s'applique la clause.
8. Le versement du dépôt de garantie est-il fiscalement imposable ?
Les sommes reçues à titre de dépôt de garantie par une entreprise industrielle ou commerciale ont pour contrepartie, au passif du bilan, une dette d'égal montant constatée envers le locataire. Par suite, ces sommes demeurent en principe sans incidence sur les résultats imposables de l'entreprise, tant que celle-ci n'a pas acquis définitivement le droit de les conserver.
Ainsi, les dépôts de garantie reçus n'influencent le résultat imposable du bailleur que s'il ressort des stipulations contractuelles ou des circonstances de fait qu'ils lui sont définitivement acquis.
De même, concernant les revenus fonciers, les dépôts de garantie remis au propriétaire par le locataire ne constituent pas, lors de leur versement, des recettes au sens de l'article 29 du CGI et ne doivent donc pas être inclus dans les revenus fonciers imposables.
Selon le BOFIP, les règles applicables lors du départ du locataire diffèrent suivant l'affectation donnée aux dépôts de garantie :
- les sommes remboursées aux locataires en fin de bail sont normalement sans incidence sur la détermination du revenu foncier de l'année de remboursement (pas d'imposition et pas de déduction) ;
- les sommes conservées par le bailleur pour se couvrir de loyers impayés constituent des revenus imposables au titre de l'année où elles sont acquises au bailleur. Il en est de même des sommes conservées par le propriétaire pour financer des charges locatives acquittées par lui-même et non remboursées par le locataire, qui doivent en principe être rajoutées aux recettes brutes, puis déduites au titre des charges récupérables non récupérées.
Concernant le locataire, les versements réalisés à titre de dépôt de garantie lors de l'entrée en jouissance du bien, qui sont destinés à gager le bon paiement des loyers ou le respect de certains engagements souscrits, ne peuvent pas donner lieu à déduction des résultats imposables de l'entreprise locataire (ni de façon immédiate, ni de façon échelonnée). Ils ont en effet pour contrepartie la constatation d'une créance sur le bailleur et constituent donc un élément d'actif de l'entreprise locataire.
Concernant les intérêts perçus par le locataire au titre des dépôts de garantie, ils doivent être inclus dans les bénéfices professionnels imposables de l'exercice au cours duquel ils sont acquis.
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Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant de l'organisme de formation immobilier Immo-formation.fr Ce sujet est développé dans une Formation bail commercial d'une journée.
Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Juillet 2023