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    Résiliation du bail commercial et destruction du bien loué

    La résiliation du bail commercial est un sujet d'importance majeure pour les professionnels de l'immobilier en France.

    Nous avons abordé tour à tour :
    -La résiliation du bail par la mise en jeu de la clause résolutoire : https://www.mcarreconseil.fr/blog/conseils-experts/la-resiliation-du-bail-commercial-par-la-mise-en-jeu-de-la-clause-resolutoire
    - La résiliation triennale légale : https://www.mcarreconseil.fr/blog/conseils-experts/la-resiliation-triennale-legale-du-bail-commercial
    - La résiliation judiciaire du bail commercial : https://www.mcarreconseil.fr/blog/conseils-experts/la-resiliation-judiciaire-du-bail-commercial
    - La résiliation amiable du bail commercial : https://www.mcarreconseil.fr/blog/conseils-experts/la-resolution-amiable-du-bail-commercial

    Cet article abordera la dernière situation de résiliation du bail commercial : la destruction du bien loué.

    Pendant la crise du COVID-19, certains locataires ont soutenu que l'interdiction de recevoir du public dans certains locaux recevant du public pouvait s'assimiler à une destruction juridique temporaire du bien loué et justifier le non-paiement du loyer pendant cette période. Nous verrons dans cet article si la Cour de cassation a retenu cette interprétation.

    C'est le code civil qui précise les effets que la destruction du bien loué peut avoir entre les parties. Ceux-ci varient selon que la perte résulte d'un cas fortuit (C. civ. art. 1722) ou de la faute de l'une ou l'autre des parties (C. civ. art. 1741). Il appartient au juge de rechercher si la perte résulte de l'une ou l'autre cause.

    1.La destruction du bien loué par cas fortuit

    Aux termes de l'article 1722 du Code civil, si pendant la durée du bail la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le locataire peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix ou la résiliation du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.

    Cette disposition s'applique à l'ensemble des baux commerciaux. Il a été jugé qu'elle ne portait pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

    Liberté des parties

    Dans la majeure partie du temps, les parties aménagent ces règles en écartant l'application du principe ou en l'aménageant. 

    Exemple de clause dérogatoire : « Par dérogation à l'article 1722 du Code civil, en cas de destruction par suite d'incendie, ou autre événement, de la majeure partie des lieux loués, le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, le locataire renonçant expressément à user de la faculté de maintenir le bail moyennant une diminution de loyer"

    Les clauses aménagent parfois la résiliation du bail selon l'étendue de la destruction et son caractère temporaire ou non.
    Exemple de clause d'aménagement : " Par dérogation à l’article 1722 du code civil, si les Locaux Loués n’étaient détruits ou rendus inutilisables que partiellement, le Preneur ne pourrait obtenir la résiliation du Bail qu’à défaut de remise en état des Locaux Loués dans les deux ans du sinistre." 

    La notion de destruction du bien loué est primordiale pour la mise en jeu de la clause.

    Notion de destruction du bien loué

    On distingue la destruction totale de la chose et la destruction partielle.

    - Destruction totale

    Il y a perte de la chose lorsque sa destruction matérielle est effective et définitive. Ainsi, n'équivaut pas à une perte totale des lieux l'apposition de scellés puisque le bien loué reste matériellement intact et n'est soustrait que momentanément à la jouissance du locataire qui pourra l'utiliser de nouveau après leur levée. De même, lorsqu'un acte administratif ou la décision d'une juridiction administrative ont décidé de la démolition d'un bien, il est exclu que la juridiction civile applique, dans un litige entre bailleur et locataire, l'article 1722 du Code civil tant que l'immeuble n'est pas effectivement détruit 

    Il y a perte totale du bien loué lorsque son usage ou sa jouissance conformément à sa destination sont devenus impossibles, peu important à cet égard que le coût des travaux excède ou pas la valeur vénale de l'immeuble.

    Par exemple, la jurisprudence considère qu'il y a perte totale de la chose en cas :
    -  de dommages affectant une toiture à 80 %, celle-ci n'assurant plus le couvert;
    -  d'interdiction administrative d'exploiter une salle de cinéma où les conditions de sécurité du public ne sont plus assurées;
    -  d'interdiction d'exploiter un commerce situé dans un périmètre de rénovation urbaine résultant d'une disposition légale ;
    -  de destruction par un incendie du bâtiment principal d'une entreprise dès lors que les locaux subsistants ne permettaient plus l'exploitation des lieux suivant la destination prévue au bail  ;
    -  de local endommagé par le feu, la suie et les fumées et devenu inexploitable, dès lors que l'îlot sur lequel est situé ce local a été barricadé de panneaux métalliques, que les travaux de reconstruction ont fait l'objet d'un permis de construire mais qu'ils n'ont pas été entamés 

    Equivaut à la perte du bien loué l'interdiction administrative d'exercer toute activité commerciale, intervenue après la conclusion du bail, consécutivement à un changement de réglementation et à des inondations majeures.

    Les dispositions de l'article 1722 du Code civil peuvent également être invoquées lorsque le coût des travaux de remise en état est excessif pour assurer l'usage auquel le bien est destiné. Les tribunaux doivent rechercher si leur coût n'excède pas la valeur de, laquelle s'apprécie notamment en fonction des revenus procurés par l'immeuble.

    - Destruction partielle

    La perte du bien loué est partielle lorsque seulement une partie de celui-ci disparaît et que le locataire n'est privé de la jouissance que d'une partie du bien.

    La destruction partielle du bien par cas fortuit justifie la résiliation du bail. Par exemple, lorsqu'un logement devient temporairement inhabitable en raison d'une inondation consécutive à une tempête ayant détruit le toit de l'immeuble même si des travaux de remise en état sont possibles et envisagés par le bailleur.

    Comme en cas de perte totale, la destruction partielle du bien loué doit être distinguée de la détérioration des locaux qui oblige le bailleur à y faire face en raison de son obligation d'entretien et de réparations. Les tribunaux prennent en considération la diminution de l'usage du bien, l'importance et le coût des travaux à effectuer lesquels peuvent être appréciés au regard de la valeur vénale des lieux loués et de leur rentabilité locative.

    Notion de cas fortuit

    La destruction des lieux loués par cas fortuit suppose un événement indépendant de la volonté des parties et ne pouvant être imputé à aucune d'elles, notamment l'absence de faute du bailleur ou d'un manquement à ses obligations.

    Tel n'est pas le cas par exemple lorsque l'impossibilité pour le locataire d'exploiter un hôtel résulte de graves désordres affectant les salles de bains des chambres consécutifs aux importants travaux de rénovation et d'agrandissement dès lors qu'ils sont la conséquence nullement imprévisible de la décision du bailleur d'entreprendre lesdits travaux.

    Le cas fortuit est en fait, depuis longtemps, assimilé à la force majeure par les tribunaux, même si d'un point de vue juridique, la notion de cas fortuit peut être interprétée indépendamment de celle de force majeure.

    Un phénomène naturel peut constituer un cas de force majeure.

    La ruine d'un bâtiment par vétusté n'est un cas fortuit que s'il n'y a pas faute ou défaut d'entretien imputable au bailleur. 

    Est-ce qu'une décision administrative peut constituer un cas fortuit ?

    La jurisprudence la décidé ainsi dans ces hypothèses : 
    -  la publication d'un arrêté municipal réglementant la publicité dans une commune qui a empêché le locataire d'une palissade entourant un terrain en construction destinée à supporter de la publicité de l'utiliser pendant une certaine période;
    -  l'existence d'une décision administrative ordonnant la démolition de l'immeuble en raison de son état de vétusté ;
    -  l'interdiction légale d'exercer certains commerces dans un périmètre de rénovation urbaine;
    -  une injonction impérative de la préfecture de police de Paris qui a entraîné l'obturation du passage d'accès aux parkings loués avec un local commercial ;
    -  la publication en cours de bail d'un arrêté municipal qui interdisait la circulation des véhicules de plus de 19 tonnes sur la voie permettant d'accéder aux locaux loués par une entreprise de transport routier;

    Covid-19 : les mesures administratives de fermeture entraînent-elles la perte du bien loué ?

    Pour faire face à la crise sanitaire, le Gouvernement a été autorisé à ordonner la fermeture provisoire d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité. 

    Plusieurs jugements ont retenus dans un premier temps que la fermeture administrative de locaux commerciaux due au COVID-19 peut constituer un cas fortuit justifiant la résiliation du bail

    Par trois arrêts du 30 juin 2022, la Cour de Cassation a considéré que les mesures administratives de fermeture générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose , au sens de l'article 177 du Code civil. Le preneur ne pouvait donc invoquer cet article pour demander d'être exempté du paiement des loyers pendant la période de fermeture.

    Effets de la destruction du bien loué par cas fortuit

    Aux termes de l'article 1722 du Code civil, dès lors qu'il y a perte de la chose louée par cas fortuit, il n'y a lieu à aucun dédommagement, que la perte soit totale ou partielle. Mais le locataire peut demander le remboursement des loyers payés d'avance.

    En effet, la destruction totale des lieux loués par cas fortuit entraîne la résiliation de plein droit du bail et dispense en conséquence le locataire du paiement des loyers pour la période postérieure à la destruction.

    La destruction partielle autorise seulement le locataire à choisir entre une diminution du prix ou la résiliation sans indemnité du bail.

    Le fait que le locataire ait procédé à ses frais à une remise en état des lieux loués, partiellement détruits, ne fait pas obstacle à son droit d'obtenir une diminution du loyer sur le fondement de l'article 1722.

    2. Destruction du bien loué imputable à l'une des parties

    En présence d'une faute du bailleur ou du locataire, entraînant une destruction totale ou partielle des lieux loués, le bail peut être résilié en application de l'article 1741 du Code civil, des dommages et intérêts pouvant être mis à la charge de celle des parties déclarée responsable de la perte.

    Commet ainsi une faute en relation de cause à effet avec l'écroulement d'un immeuble donné à bail le bailleur qui ne contacte le bureau Veritas que six mois après avoir reçu une mise en garde de son locataire lui signalant les anomalies affectant l'immeuble ; le bailleur ne pouvait donc pas invoquer les dispositions de l'article 1722 du Code civil.

    En cas de perte partielle du bien loué par la faute du bailleur, celui-ci peut être condamné à faire procéder aux travaux de remise en état. 

    Lorsque la perte totale est la conséquence d'une faute du locataire, le bail étant résilié de plein droit et le contrat n'ayant plus d'objet, le bailleur ne peut pas réclamer le paiement des loyers postérieurs à la perte ; il ne peut obtenir que des dommages et intérêts.

    Auteur : Rémy NERRIERE - juriste-formateur en immobilier, Codirigeant de l'organisme de formation immobilier Immo-formation.fr. Ce sujet est développé dans une Formation bail commercial d'une journée.
    Pour toute information sur cette formation : contact@immo-formation.fr. Janvier 2024

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